protocole partie 2 : herceptin/taxotere

24 Août 2016
9 heures : Rendez-vous à Baclesse pour l’injection d’Herceptin (se prononce Herceptine). Le traitement qui durera presque un an (18 injections à raison d’une injection toutes les trois semaines).
Chambre 7, double.
Odette, née en 1931, est déjà présente. Son mari la rejoint peu de temps après. Ils ont un accent normand très prononcé à tel point que j’ai du mal à les comprendre. Ils parlent de leur voisine qui est également hospitalisée ici. Il semblerait qu’elle ne retournera pas chez elle…
On me prépare, on me pique. Le produit arrive à 10h45. A partir de ce moment, je suis sous surveillance pendant 6 heures. Prise de tension tous les 1/4 d’heure mais je négocie rapidement pour passer à toutes les ½ heure.
Je demande à Romu de rentrer à la maison. Je ne veux pas lui imposer ces longues heures d’attente. Je préfère le savoir auprès des garçons. De plus, la tension qui règne entre nous est trop lourde à porter et je n’ai pas la force de l’apaiser.
Une fois seule, je m’enferme dans ma bulle. Je dessine, je dors un peu …
Pierrette, une aide soignante, vient me proposer un massage du dos et de la nuque, un « toucher de confort » comme elle l’appelle… ça me fait penser à toucher rectal et vaginal mais j’accepte tout de même sa proposition. Ça me détend à tel point que je m’assoupis.
Elle propose ensuite ses services à Odette, qui accepte également. Elles discutent beaucoup. Je connais maintenant les dosages de sucre pour faire de la confiture de rhubarbe : 1kg de rhubarbe pour 600 grammes de sucre. Le mari participe aussi à la discussion. Pierrette met 800 grammes, il lui affirme que c’est trop. 
Odette et son mari libèrent la chambre et me laisse seule. J’en profite pour sortir mon ukulélé. Bien contente de parvenir à enchaîner quelques notes (rassurant, après mon trou de mémoire de la veille avec Max et Audrey).
Le couple d’anciens est vite remplacé par une autre dame que j’avais déjà croisée dans une salle d’attente. Chantal, née en 1954, (comme ma maman). Elle est radieuse, souriante et avenante. De peur de la déranger, je préfère ranger mon instrument. Elle explique à l’infirmière qu’elle tousse beaucoup et que ses proches se plaignent qu’elle ronfle (ce que je confirme également).
Le repas de midi arrive : rôti de porc / petits pois. Je n’ai pas très faim mais je me force un peu. Après le repas, ma tension est remontée ce qui m’autorise à sortir dans le jardin thérapeutique. 
J’emporte mon fidèle ukulélé et m’installe près du bassin. J’écoute les clapotis de l’eau tout en grattant les cordes. 
Un groupe de jeunes arrive et se « pose » à quelques mètres de moi. Je me rends compte qu’il doit s’agir d’internes puisque celle que j’ai rencontrée quelques heures plus tôt est présente. Sans sa blouse blanche, elle me parait encore plus jeune… Elle a un prénom hors du commun : Quiterie, je me demande à quoi ont pensé ses parents quand ils ont choisi ce prénom…
Je remonte dans ma chambre pour une nouvelle prise de tension. 
9/6, ça remonte encore ! 
Le temps me semble long. Je cogite beaucoup.
Je n’ai encore jamais rencontré quelqu’un dans ma tranche d’âge dans les couloirs de Baclesse et pourtant, je sais qu’il y en a un paquet…
Même si Chantal me regarde avec des yeux remplis de compassion, je n’ai pas envie de parler et je m’enferme de nouveau dans ma bulle. Je m’assoupis.
Une nouvelle prise de tension me réveille. 10/6 ! yeah
Je retourne dans le jardin avec mon ukulélé et m’installe cette fois sur un banc, à l’ombre d’un noisetier. Il fait une chaleur étouffante mais un petit vent caresse mes pieds nus et mon crâne dégarni.
Je me sens vivante.
Romu me rejoint. On discute, la tension est un peu retombée. Je réalise à quel point la maladie l’affecte, lui. Quasiment plus que moi.
Nous remontons. Dernière prise de tension. On me débranche.
A demain Madame Massey.
En rentrant, je passe plus d’une heure à vernir mes ongles. Cinq couches au total pour les protéger des effets secondaires des prochaines chimio. 
25 Aout 2016
14 h00 : quatrième chimio, nouveau produit, Taxotère.
Prise en charge ultra rapide. On me pique rapidement, si rapidement que le patch n’a pas eu le temps d’agir. Même pas mal. Je repense à la courageuse petite Mila à qui j’ai tenu la main pendant son vaccin. Je me sens courageuse aussi.
Le produit s’écoule pendant une heure, pendant ce temps j’écris ce texte. Romu, à mes cotés, regarde une émission qui retrace la vie de Jeanne d’Arc, une femme courageuse, elle aussi…
Je partage ma chambre avec un monsieur, la soixantaine bien passée me semble-t-il… 
C’est déjà la fin, un rinçage de 15 minutes et nous quittons les lieux. 
En rentrant, le champ voisin est clairsemé de round baller. J’ai envie de faire des photos à la manière des dessins de Jack Koch. 
Photos à suivre, donc !